Alphonse Allais

Alphonse Allais

Alphonse ALLAIS, écrivain et humoriste français, farceur invertébré, fumiste professionnel, né où son père était pharmacien  et mort à Paris le 28 octobre 1905. Précurseur génial , il fut un véritable athlète du mot, des lettres et des rimes : calembours d'almanach, fable express, néo alexandrins, vers antérimes, fausses rimes, alexandrins records numérique ou alphabétiques ...

Il est cité dans tous les recueils liés aux jeux de lettres et d'esprit, de Michel Laclos à Claude Gagnière en passant bien sûr par son hagiographe infatigable François Caradec. Ce dernier a rassemblé tout Allais avec une biographie très détaillée.

Sans oublier l'incontournable AAAA (Il ne s'agit pas d'andouillettes, mais de l'Association des Amis d'Alphonse Allais. Allais est un humoriste hors du commun, poussant le bon sens jusqu'au non sens et la pensée parallèle, maître de l'anecdote et des mots. Il a tracé la voie aux canularistes et humoristes de tout poil, comme Pierre Dac avec son "Os à moelle", de Francis Blanche, ses canulars et petites annonces, du tandem Pierre Dac - Francis Blanche (avec leur inénarrable "Signé Furax" et ses personnages aux patronymes savoureux).

Présentation

Allais peut être légitimement considéré comme un Patacesseur (pataphysicien, avant la lettre ou qui s'ignore !) mais également comme un pré-oulipien. Tous ceux qui ont joué sur les mots en holorimes, ou en assonances, écrites ou chantées lui sont redevables. Des deux RD (Robert Desnos et Raymond Devos) à Boby Lapointe, de Louise de Vilmorin à Yves Montand, tous ont été plagiés par anticipation selon l'expression consacrée par l'Oulipo.

Allais a traversé le siècle avec un humour qui reste étonnamment moderne : après Ferdinand Lop, éternel candidat de la quatrième République et qui promettait l'extinction du paupérisme après huit heures du soir et le prolongement du boulevard Saint-Michel jusqu'à la mer du Nord, c'est la liste des "Hydropathes" dirigée par Yan Bourdel qui a obtenu 17,5 % des suffrages lors de élections municipales de mars 2001 à Honfleur, soit 3 élus ! Sans nul doute les Honfleurais ont été sensibles au soutien venu de l'au-delà du grand Allais et ... de la promesse de limiter la vitesse de la lumière en centre-ville.

Allais avait commencé sa carrière de journaliste en collaborant avec le journal "L'Hydropathe", dès 1879, et j'extrais cinq exercices de style, caractéristiques de l'humour et de la créativité d'Allais : les rimes qui ne riment pas, les rimes très riche (ou rimes millionnaires) les étalons qui se montent, la superbe complainte subjonctive et quelques fable express.

 

Rimes riches à l'œil

L'homme insulté‚ qui se retient

Est, à coup sûr, doux et patient.
Par contre, l'homme à l'humeur aigre
Gifle celui qui le dénigre.
Moi, je n'agis qu'à bon escient :
Mais, gare aux fâcheux qui me scient!
Qu'ils soient de Château-l'Abbaye
Ou nés à Saint-Germain-en-Laye,
Je les rejoins d'où qu'ils émanent,
Car mon courroux est permanent.
Ces gens qui se croient des Shakespeares !
Ou rois des îles Baléares!
Qui, tels des condors, se soulèvent !
Mieux vaut le moindre engoulevent.
Par le diable, sans être un aigle,
Je vois clair et ne suis pas bigle.
Fi des idiots qui balbutient !
Gloire au savant qui m'entretient!

 

Les rimes qui ne riment pas

Les gens de la maison Dubois, à Bône, scient ,
Dans la bonne saison, du bois à bon escient.

Imaginez la tristesse du poète qui constate qu'avec leurs 22 dernières lettres identiques, ces deux alexandrins ne riment pas.

Je ne résiste pas au plaisir de donner sur le même thème un texte de Courteline

 

Holorimes

Entrée de mon éléphant, Séraphine, et du rat bleu,
Entre Edmond et les faons, c'est raffiné, durable.

Si, mon fils, ton tutu raccommodé part.
Simon, fiston, tu tueras comme au départ.

Aidé, j'adhère au quai. Lâche et rond, je m'ébats,
Et déjà des roquets lâchés rongent mes bas.

 

Pas sage, le niais savait qu'Achard ne ment

Pas. Ça je le niais avec acharnement.

 

Par le bois du Djinn où s'entasse de l'effroi,

Parle ! Bois du gin ou cent tasses de lait froid !

 

Ah ! vois au pont du Loing de là, vogue en mer, Dante 

Have oiseau, pondu loin de la vogue ennuyeuse.

 

les étalons qui se montent

Je ne résiste pas au plaisir de donner sur le même thème un texte de Courteline

Nous nous étalons

Nous nous étalons
Sur des étalons.
Et nous percherons
Sur des percherons !
C'est nous qui bâtons,
A coup de bâtons,
L'âne des Gotons
Que nous dégottons !...
Mais nous l'estimons
Mieux dans les timons.
Nous nous marions
A vous Marions
Riches en jambons.
Nous vous enjambons
Et nous vous chaussons,
Catins, tels chaussons !
Oh ! plutôt nichons
Chez nous des nichons !
Vite polissons
Les doux polissons !

  Pompons les pompons
Et les repompons ! (...)
Du vieux Pô tirons
Quelques potirons !
Aux doux veaux rognons
Leurs tendres rognons,
Qu'alors nous oignons
Du jus des oignons ! (...)
Ah ! thésaurisons !
Vers tes horizons
Alaska, filons !
A nous tes filons !
Pour manger, visons
Au front des visons,
Pour boire, lichons
L'âpre eau des lichons.
Ce que nous savons
C'est grâce aux savons
Que nous décochons
Au gras des cochons.
Oh ! mon chat, virons,
Car nous chavirons !

 

 

Complainte amoureuse

Oui, dès l'instant où je vous vis,

Beauté féroce, vous me plûtes;
De l'amour qu'en vos yeux je pris,
Sur-le-champ vous vous aperçûtes. 
Mais de quel air froid vous reçûtes
Tous les soins que pour vous je pris !
Combien de soupirs je rendis ! 
De quelle cruauté vous fûtes !
Et quel profond dédain vous eûtes
Pour les veux que je vous offris !
En vain, je priai, je gémis,
Dans votre dureté vous sûtes
Mépriser tout ce que je fis;

   Même un jour je vous écrivis
Un billet tendre que vous lûtes
Et je ne sais comment vous pûtes,
De sang-froid voir ce que je mis.
Ah! fallait-il que je vous visse
Fallait-il que vous me plussiez,
Qu'ingénument je vous le disse
Qu'avec orgueil vous vous tussiez ;
Fallait-il que je vous aimasse
Que vous me désespérassiez
Et qu'en vain je m'opiniâtrasse
Et que je vous idolâtrasse
Pour que vous m'assassinassiez !

 

Fables express

Chaque fois que les gens découvrent son mensonge,

Le châtiment lui vient, par la colère accru.
Je suis cuit, je suis cuit ! gémit-il comme en songe.
Moralité
Le menteur n'est jamais cru.

 

Une jeune fille était si plate,
Qu'on l'avait surnommée « la planche » !
Mais un jour, Dame nature prit sa revanche
Et la dota de deux beaux seins.
Moralité :
La planche a des seins

 

Lorsque tu verras une bonne
Assise au milieu d’un tender
Découvre-toi sur son passage
Moralité :
A bonne en tender, salue !

 

Une femme dans l'espoir de son premier enfant,
Inquiète de garder ses rondeurs pour longtemps
Pendant neuf longs mois, de tout encas se passa.
A bout, ce fut le soir où son jeûne elle cessa
Que l'enfant décida qu'il était enfin temps.
Moralité :
Le petit vient en mangeant

 

Bibliographie

Oeuvres anthumes (1891-1902) Bouquin (Laffont) 1989
Oeuvres posthumes (1877-1905) Bouquin (Laffont) 1990
La logique mène à tout : 150 contes choisis par ... François Caradec, Horay, éditeur (1976)
Les Templiers, Les Quatre-Vents (1947)
les Zèbres, Les quatre Jeudis (1954)
A l'oeil, J'ai lu (1963)
Allais...grement, Livre de poche (1965)
À la une !, Livre de poche, 1966)
Allais en verve, Horay (1970)
Plaisir d'humour, Libretti (1972)
Les Pensées, France Loisirs (1987)
Le Capitaine Cap, La Table Ronde (1997)
Pour la poésie : Alphonse Allais Par les bois du Djinn (poésies complètes) Fayard 1997, préfacé et présenté par l'infatigable trouveur du laisser-Allais ... François Caradec
Alphonse Allais de la mer, Mille et une nuits (2002) florilège présenté par François Caradec

 

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