ÉLOGE DE L’ALEXANDRIN

Avec l'aimable autorisation d'Olivier Salon : lecture oulipienne de janvier 2006

Est-il besoin de présenter

Ici celui qui fit marcher
Les écrivains et les poètes
Leurs vers et leurs œuvres complètes,
Celui qui fait battre le cœur
De son étincelant bonheur
Et qui vraiment transporte d’aise
L’auditeur assis sur sa chaise ?
Je veux nommer l’alexandrin
Qui traverse long comme un train
Les siècles depuis le douzième
Et nous émeut encore et même.
L’alexandrin ? Quatre fois trois
Ou plutôt six et six, je crois.
Car à mi-parcours la coupure
Qui a pour noble nom césure
Vient à point nommé partager
Dans un équilibre ouvragé
Le vers en deux parts équitables,
Deux belles moitiés honorables
De sorte que l’une n’ait pas
À vouloir de l’autre les pas.
La première aura l’avantage
D’initialiser, je gage,
Tandis que la seconde aura
L’honneur et la superbe aura
D’achever, et, fait légitime
De porter à son bout la rime.
Pour qu’il n’y ait pas de jaloux
On donne, à ces moitiés du tout
Le nom merveilleux d’hémistiche.
Dommage qu’on s’en contrefiche
Dans les milieux un peu trop secs

Car hémistiche vient du grec
Et entend tout simplement dire,
Car l’étymologie inspire,
Demi vers. Mais non pas celui
Que vous pouvez avec ennui
Voir tantôt plein et tantôt vide,
Non pas ! Car je vous sens avide,
L’hémistiche n’est que moitié
D’alexandrin, car sans pitié
Que pleine justice soit faite
On l’a tranché, mais sans maltraite.
De l’hémistiche on dira l’un
Puisque c’est un nom masculin
Et que du genre on se soucie
Voilà cette chose éclaircie.
Mais que penser du stiche donc,
Qu’on trouve droit tel un bâton
Dans le stick anglais qui figure
Du vers la si noble droiture ?
Ah qu’il est beau l’alexandrin,
Régulier comme un tambourin.
Entendez-vous ses pieds par douze
Rythmer sagement la pelouse
De notre oreille et nous bercer
Avant que de recommencer
Comme les vagues successives
Qui viennent, lentes et lascives
Amoureusement nous lécher
Les pieds posés là sans marcher ?
Oui, oui, vraiment quelle merveille
Quel vaste plaisir pour l’oreille,
Félicitons l’alexandrin
Comme un bijou dans son écrin.