Les nouveaux djinns

Olivier Salon

Murs, ville,
Paris.
Docile,
Sans bruit,
Tout prêt,
Tout frais,
Noir est
L’amphi.

A Jussieu
Naît un bruit.
Sous les cieux
Lumière luit.
C’est l’appel
Eternel,
Carrousel
De la nuit.

Ils ont bougé
L’oreille habile.
Les enragés
Pressent leur bile.
Ils se préparent
A coups de fards,
Et comme un phar’
Leur oeil jubile.

Leur corps inquiétant
Fait un soubresaut.
Les voilà partant
Pour le bel assaut.
Sous leur face sombre
Que façonne l’ombre,
Attention : on sombre
Sans un seul sursaut.

Dans le tube ils se jettent,
Ou s’engouffrent dans les boîtes
Métalliques qui cliquettent
Au volant les mains moites,
Fronts perlés de sueur,
Transformés en tueurs,
Jusqu’aux saines lueurs
Du lieu-dit qu’ils convoitent

Hue, je sais que tu m’as ten-
Du un piège, folle nuée
Que je crois de mécontents
Prêts à rugir, à huer
Bruissant et battant des ailes
Avec hargne, fougue et zèle
Tempêtant contre Marcel
Et nous autres éberlués.


Ils sont vêtus de toile bleue
Qui fait chatoyer leur mystère,
Cet uniforme implacable,
Aux accents extraordinaires :
Cinq cent vingt-cinq ou cinq cent un,
C’est l’armée des jeans toute en un
Plus redoutables que les Huns
Au jugement lourd et sévère.

Bon appétit, ô sinistres nains maigres
Qui vous nourrissez tant de notre foi,
Que vous promettez de faire au vinaigre
Jusqu’à sa repousse la prochaine fois !
Et j’entends votre terrible clameur
Qui se propage telle la rumeur
Prête à me ronger, horrible tumeur
Qui me gagne et amplifie mon effroi.


Mais quoi, vous seriez rassasiés ?
L’épais nuage de sauterelles
- Je n’en crois pas mes yeux brouillés -
Semble stopper sa voix mortelle.
Au mot d’ordre de dispersion
Les cris perdent de conviction
Jusqu’à certaine modération,
Guère plus même qu’une bagatelle.

Les voilà qui s’évanouissent
Miséricordieusement.
Interrompant le supplice,
Ils cessent le grondement
Et le vacarme effrayants.
Au contraire, se frayant
Un passage distrayant,
La cohorte rapetisse.

On se sent délaissé,
Abandonné, cahin-
Caha, tel l’araignée
Ou l’ortie du dédain.
Quand tout le monde tombe,
Même après l’hécatombe,
Le cercueil dans la tombe
Ne se garde qu’à un.

Un dernier frou-frou,
Jean effiloché
Frottant peu ou prou
Le grand escalier.
Un papier froissé,
Sourire esquissé,
Baiser empressé,
Porte condamnée.

Enfin les jeans
Ont regagné
Leur origine :
Dans le panier,
Vains accessoires
Obligatoires,
Ou dans l’armoire,
Bien alignés.

Le repos
Est permis ;
L’Oulipo
Est fini.
Rien qui vaille,
Chacun bâille,
Je défaille,
Evanoui.


Plus rien
Dehors
Ne tient
Encor’.
Silence En somme,
Si dense        C’est comme
On pense,         Un homme
On dort.         Qui dort.


OLIVIER SALON, janvier 2001.